L’instrumentalisation de la responsabilité sociale de l’entreprise en droit français - Centre de Recherches Critiques sur le Droit Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Les Cahiers de droit Année : 2021

L’instrumentalisation de la responsabilité sociale de l’entreprise en droit français

Résumé

Corporate social responsibility (CSR) and the legal system can maintain a relationship based on complementarity, with the law being a necessary complement to CSR, but CSR instruments can also be a useful relay for the law. For some time now, CSR has been integrated into the strategies of public authorities, as a complement or even an alternative to the state standard. The use of CSR by legislators aims to assign certain legal policy objectives to it and confines it to an instrumentalization for a defined purpose, whether practical or political. The polysemy and vague contours of a concept such as CSR allow it to be instrumentalized by assigning it functions that it may not be able to perform. This article proposes to analyze the instrumentalization of CSR at work in French law in two branches of law : company law and labour law. Company law seems, by nature, receptive to CSR practices, whereas labour law is more reticent. Thus, company law leaves a lot of room for the will of the addressees of the norms, for flexible mechanisms of elaboration and implementation of the rules, whereas labour law remains based on the principles of imperative, unavailability of the qualification of the subordinate employment relationship and on a central role of the judge. Sometimes the instrumentalization of CSR satisfies public authorities and economic actors and it is then difficult to mobilise legal resources to counter certain abuses. But limits exist to counteract excessive or even unconstitutional deviations. They are ethical when it appears that the determination of the general interest cannot be left to commercial organizations set up to generate profit. They are also of a legal nature when legislative attempts call into question the division of powers between judges and legislator, legislator and private actors or private actors and judges.
La responsabilidad social empresarial (RSE) y el sistema jurídico pueden mantener relaciones basadas en la complementariedad, pues el derecho es un complemento necesario para la RSE y los instrumentos que están bajo la competencia de la RSE pueden igualmente ser mecanismos de utilidad para el derecho. Desde hace algún tiempo la RSE se ha integrado bien a las estrategias de los poderes públicos como complemento, e incluso como como una alternativa a la norma estatal. Su aplicación por parte de los legisladores tiene como meta asignarle ciertos objetivos de política jurídica, y la ha confinado a una instrumentalización con un objetivo definido, independientemente de que sea práctico o político. La polisemia y los límites vagos de una noción como la de la RSE han permitido instrumentalizarla, al asignarle funciones que no podría asumir. El presente artículo ha propuesto analizar la instrumentalización de la RSE aplicada en el derecho francés, específicamente en dos ramas del derecho : el derecho de sociedades y el derecho laboral. El derecho de sociedades parece por naturaleza estar abierto a las prácticas de la RSE, mientras que el derecho laboral es más reticente. De esta manera, el derecho de sociedades ha dejado un amplio margen a la voluntad de los destinatarios de las normas, y a dispositivos flexibles de elaboración y de implementación de reglas, mientras que el derecho laboral sigue basándose en los principios de imperatividad, indisponibilidad de la calificación de la relación laboral subordinada y sobre el rol central del juez. En ocasiones, la instrumentalización de la RSE ha logrado satisfacer a los poderes públicos y a los actores económicos, por lo que resulta difícil asegurar los recursos jurídicos para contrarrestar algunas desviaciones ; sin embargo, existen límites para hacer frente a los desvíos abusivos, que incluso podrían ser inconstitucionales. Estas son de orden ético cuando surge que la determinación del interés general no puede estar a favor de organizaciones comerciales constituidas con el fin de generar lucro. Son igualmente de orden jurídico cuando los intentos legislativos ponen en entredicho la repartición de poderes entre jueces y el legislador, el legislador y los actores privados, o entre los actores privados y los jueces.
La responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) et le système juridique peuvent entretenir des relations basées sur la complémentarité, le droit étant un complément nécessaire de la RSE, mais les instruments relevant de la RSE pouvant aussi être un relais utile au droit. Depuis quelque temps, la RSE a bien été intégrée dans les stratégies des pouvoirs publics, en complément de la norme étatique, voire comme alternative à cette dernière. Son utilisation par les législateurs vise à lui assigner certains objectifs de politique juridique et la confine dans une instrumentalisation dans un but défini, qu’il soit pratique ou politique. La polysémie et les contours flous d’une notion comme celle de la RSE permettent de l’instrumentaliser en lui assignant des fonctions qu’elle peut ne pas être apte à assumer. Le présent article propose d’analyser l’instrumentalisation de la RSE à l’oeuvre en droit français dans deux branches du droit : le droit des sociétés et le droit du travail. Le droit des sociétés semble, par nature, réceptif aux pratiques de RSE, alors que le droit du travail est plus réticent. Ainsi, le droit des sociétés laisse une large place à la volonté des destinataires des normes, à des dispositifs souples d’élaboration et de mise en oeuvre des règles, alors que le droit du travail reste fondé sur des principes d’impérativité, d’indisponibilité de la qualification de la relation de travail subordonnée et sur un rôle central du juge. Parfois, l’instrumentalisation de la RSE satisfait pouvoirs publics et acteurs économiques, et il est alors difficile de mobiliser des ressources juridiques pour contrer certaines dérives. Mais des limites existent afin de contrecarrer des dévoiements excessifs, voire inconstitutionnels. Elles sont d’ordre éthique lorsqu’il apparaît que la détermination de l’intérêt général ne peut pas échoir à des organisations commerciales constituées dans le but de générer du profit. Elles sont également d’ordre juridique lorsque les tentatives législatives remettent en cause la répartition des pouvoirs entre juges et législateur, législateur et acteurs privés ou acteurs privés et juges

Domaines

Droit

Dates et versions

halshs-03343435 , version 1 (14-09-2021)

Identifiants

Citer

Emmanuelle Mazuyer. L’instrumentalisation de la responsabilité sociale de l’entreprise en droit français. Les Cahiers de droit, 2021, 62 (3), pp.653-691. ⟨10.7202/1080609ar⟩. ⟨halshs-03343435⟩
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